Les Confessions d'un Prof Maudit

2.2.07

Tous des obsédés!

Qui ça? Ben voyons, les élèves!

À répétition et à en devenir fou, je me suis tapé les «Ch'te l'dis! - Ch'te cré pas. - Ch'te l'jure! - Ah ben ch'te cré.», les «Whazzaaaaaa?», les «Ha, Ha! Familiprix!», et toute une collection d'obsessions verbales diverses.




PU CAPABLE!


Je vous gage un 10 que, la semaine prochaine, c'est «Moi j'vends!»

31.1.07

Touch!

Quand j’étais petit, j’adorais la tague. Ma préférée, c’était la tague glacée. Je m’arrangeais toujours pour prendre des poses pas possibles. J’étais déjà trop beau, alors il était essentiel de me mettre en valeur…

Mais la tague sur internet… Fuck off, vous m’faites ch… Ça me fait tellement penser aux chaînes de courriels qui font brûler ta maison ou pourrir ta récolte de maïs si tu ne l’envoies pas à 28 personnes dans les 5 prochaines minutes!

Sauf que je suis bon joueur. Je vais vous en donner, des secrets. Mais pour moi, la tague s’arrêtera ici. Pas question que je mette ce coupe-jarret virtuel dans les pattes de quelqu’un d’autre, capiche?

Secret #1Où on découvre que Prof Maudit a ses limites dans les transports en commun

Dans le métro ou l’autobus, je supporte à peu près tout : les odeurs, la proximité (qui frôle parfois la promiscuité), les enfants qui braillent, les vieilles qui délirent, les ados qui parlent forts, etc. Sauf que… Sauf qu’il n’y a rien que je déteste plus que de m’asseoir à une place dite «chaude». La personne précédente a-t-elle pétée? Est-elle possédée par Satan? A-t-elle un problème de glandes sudoripares ultra développées? S’est-elle soudainement sentie envahie par une de ces gênes qui vous chauffe les sangs? Bref, je suis incapable de supporter. Je me relève séance tenante.

Secret #2Où Prof Maudit dévoile son unique côté maniaque

Dans mon hall d’entrée, on trouve une plaque de quatre interrupteurs. Le premier allume la lumière de la cage d’escalier. Le second, celle du hall. Le troisième, celle de la bibliothèque. Le quatrième, celle du bureau. Une fois fermés, ces interrupteurs pointent tous vers le bas. Ça fait très unifié. Sauf que… Sauf que, au bas de l’escalier qui mène – comme vous l’avez déduit – au gigantesque palace que j’habite, il y a un interrupteur qui a, lui aussi, la charge de l’ampoule de la cage d’escalier. Alors que se passe-t-il quand on allume en haut, mais qu’on éteint en bas? Hein? HEIN? Bingo. Il y a un interrupteur qui n’est pas en harmonie avec les autres. C’est-y pas assez choquant à votre goût ça? Et bien si les quatre interrupteurs ne sont pas abaissés, je me tape l’escalier pour lever celui du bas et remonte pour égaliser ceux du haut. Le comble de cette compulsion? Il m’arrive, une fois couché, de me lever pour vérifier si… Et si c’est pas, ben je descends l’escalier en pij’, voire tout nu. Parce que chu un gars pis souvent je dors tout nu.

Secret #3Où on s’aperçoit que Prof Maudit n’est pas que faussement délinquant

J’ai toujours rêvé d’être un vrai fucké, quelqu’un qui défonce des chars à coups de batte de baseball pis qui vole à la tire dans les supermarchés. D’ailleurs, quand certains de mes amis français me traitent de petite frappe, je jubile presque. Mais non, en réalité – et vous l’avez deviné depuis longtemps – j’ai pas un tempérament très délinquant. Sauf que… Sauf que, quand j’étais à l’université, si je me retrouvais dans un ascenseur et que j’avais une gomme en bouche, je la collais systématiquement sur le bouton du rez-de-chaussée. Hooooon! C’pas fin ça!

Secret #4Où on rit comme des bossus parce que Prof Maudit n’est pas vite-vite

J’aime pas Tintin. Il m’énerve : trop tout’. Mais j’adore Tintin et le Lac aux Requins. Un de mes films fétiches en fait. Je possède ledit film et la trame sonore. Je connais les chansons par cœur, c'en est épeurant! J’en connais chaque moment, je vous explique le synopsis sur une napkin de restaurant en moins de deux. Sauf que… Sauf que, cette année, après pas loin de 25 ans à voir ce film pour un décompte qui frôle facilement les 250 représentations publiques ou privées, j’ai finalement catché pourquoi Rastapopoulos voulait tant la machine à faire des copies du Professeur Tournesol. C’est une pièce maîtresse de l’intrigue! Non, mais! Faut-tu être cave!

Secret #5Où Prof Maudit est tendre (profitez-en, ça sera pas souvent!)

J’aime bien la musique, mais je ne suis pas mélomane. J’ai une bonne discographie, mais je n’y fouine pas souvent. Je tripe sur les paroles ou les rythmes, rarement les deux en même temps. Et je garde toujours pour moi, dans mon jardin secret, jalousement, les émotions que telle ou telle chanson fait vibrer. Sauf que… Sauf que quand j’entends Time after time de Cyndi Lauper, je braille. J’ai aucun événement relié à cette chanson; aucun traumatisme, rupture, perte, nostalgie… Rien. Pis quand j’entends la version de Strictly ballroom, c’est pire que pire. Sois je me mords les lèvres et j’endure, sois je me sauve.

!BONUS! – Cinq secrets en vrac du P’tit Maudit

P’tit secret #1 – J’étais kleptomane, pour me rendre intéressant. Mes profondes excuses à tous les élèves de mes classes au primaire.

P’tit secret #2 – À mon école, il y avait une personne qui s’appelait Donald. J’ai toujours cru que c’était une fille.

P’tit secret #3 – Avec ma loupe, je brûlais des fourmis.

P’tit secret #4 – Je n’ai jamais vraiment aimé aller chez ma grand-mère paternelle. C’est simplement que, quand on était chez-elle, je n’étais pas seul avec mon père.

P’tit secret #5 – En 3e année, j’ai été le champion de la Méga Cachette de l’école. Comme j’étais très petit, je m’étais glissé derrière la cuvette d’une toilette, sous le réservoir.

Poueeeeet!

Bon. J’ai pas fini de corriger, mais j’ai au moins passé une super journée. Faudrait juste qu’on arrive vite parce que je commence à avoir la vessie pleine.

Chu pas tout seul; y’a Ti-Cul Ti-Coune qui va remplir ses pantalons de neige, ça sera pas long. Tant pis pour lui! J’ai répété au moins dix fois de passer aux toilettes avant le départ.

J’aurais dû les autoriser à apporter un lecteur mp3 ou un livre. S’ils arrêtent pas de hurler bientôt, je sens que je vais diminuer mon ratio. Voyons qu’est-ce qu...

- Aïe! Ti-Cul Les-Broches! Touche encore à la porte arrière pis je te coupe les doigts!

Ça aussi, ça doit faire au moins 6 fois que je le répète. Pourquoi toujours répéter? On devrait pas nous appeler «enseignant», mais «répétant». Coudonc, fait donc ben frette?

- Kessé j’ai dit, Ti-Cul Tête-Dure? Ne-pas-ou-vrir-les-fe-nê-tres! Non, je ne la ferme pas pour toi. Tu l’as ouverte, tu la fermes. Organise-toi avec tes troubles!

Pet pis Repet s’en vont en autobus. Pet tom... Ah non! Y chantent astheure!

- Moins fort en arrière. Chanter, oui. Hurler, non! Ti Cul-Tête-Dure, si la fenêtre est pas fermée dans cinq minutes, tu passes dedans. Quoi? C’est trop petit? Inquiète-toi pas, m’a te faire passer!

24 Ti-Culs chantèrent dans l’autobus. L’un d’eux s’étrangla, il n’en resta plus que 23.
23 Ti-Culs niaisèrent avec une fenêtre. L’un deux y passa, il n’en resta plus que 22.
22 Ti-Culs se firent un noeud dedans. Une vessie éclata, il n’en resta plus que 21.
21 Ti-Culs par...

* * *

Mon délire mental fut interrompu par un coup de frein tellement brusque que Ti-Pet - qui était à genoux après que j’aie répété 8 452 fois de rester assis - a failli passer par-dessus le siège avant et se retrouver dans le pare-brise. Je me suis cogné le menton sur le banc devant moi, pourfendant ma lèvre de mes deux palettes. Deux élèves se sont retrouvés étendus dans l’allée centrale. Avec cette capacité propre aux enseignants, en période de crise, à gérer l’ingérable, j’ai remis les élèves sur pieds, vérifié les bobos et atteint l’avant de l’autobus en un centième de seconde. J'étais furax.

Un fou en VUS a coupé notre caravane d’autobus scolaires dans un espace tout juste assez grand pour une Yaris. Et encore, peu importe la grosseur de la voiture, on ne se glisse pas entre des autobus bourrés d’enfants insouciants. Avant d’atteindre Montréal, quatre autres conducteurs, dont deux autres en VUS, ont eu des approches dangereuses. Soyez reponsable, que diable! Jouez avec votre vie, pas avec celles de mes élèves.

Y’a que moi qui ai le droit de les malmener, ok?

30.1.07

Sainteté bien ordonnée commence par soi-même

On a tous notre petite routine du matin. Pour moi, elle consiste à étirer le snooze aussi longtemps que possible (j’ai vraiment pas choisi le bon métier pour la marmotte que je suis), à prendre une douche chaude, m’habiller, me crèmer mais ne pas me coiffer, nourrir le chien, sortir le chien et prendre le métro pour le boulot. Je déjeune en route, faisant partie de cette race qui ne peut ingurgiter quelque chose au moins une bonne heure après le saut hors du lit sans brusquer son estomac. Alors j’attrape, dans le métro, un berlingot de lait et deux muffins (généralement aux bleuets). Avant d’arriver à l’école, je traverse un long corridor dans un centre commercial, au bout duquel dort un sans-abri. Je dépose un muffin à côté de lui et je termine mon périple vers l’école.

Parfois il n’est pas là. Alors je me bourre la face avec les deux muffins plein de gras trans et je roule tout l’avant-midi. Mais souvent il y est. Il dort toujours alors je ne sais jamais s’il mange mon muffin ou pas, si un autre le lui pique, etc. Vous pouvez donc vous imaginer qu’hier, quand il m’a saisi le bras au moment où je commettais mon méfait, j’ai failli mourir.

- PoUrKoé k’tu fÊ ssa?

L’odeur de rance et de crasse, l’haleine éthylique au point d’endormir la faune du quartier, le regard vitreux, la bouche édentée, mon regard qui échappe au sien pour tomber sur son pied gangrené. Et cette question! Un piège, très certainement. Me suis-je seulement vraiment demander pourquoi je faisais ça? La bonté exige du courage. Vivement que je retrouve ma classe pour être sadique à souhait.

- Parce que je peux rien faire de plus.

Je n’ai pas eu à me dégager. Il m’a laissé partir. J'ai quand même eu l'impression de fuir. N’est-il besoin de vous dire que j’ai été perturbé par cet intermède SDF. Surtout par ma réponse. Ne pas pouvoir en faire plus.

C’est tout à fait d’actualité, en cette période de bulletins, où on se demande continuellement ce qu’on peut faire de plus pour nos élèves qui en arrachent. Ceux qui ont un plan d’intervention adapté, ceux qu’on suit en récupération, à qui on fournit un organigramme pour leur méthode de travail, à qui on donne plus de temps pour un examen à finir, ceux pour qui on se réveille la nuit… Ce sont toujours les mêmes trois ou quatre élèves (je suis «généreux»).

Il y a quelques années, alors que je me tuais à l’ouvrage et que j’étais en chute libre vers l’épuisement professionnel, un collègue m’a dit ceci : «Prof Maudit, tu peux pas tout’ les sauver!» Ça a changé ma vie. J’ai appris à laisser aller et à me donner à mes élèves dans une juste mesure. Ce fut un constat très difficile à accepter. Ce l’est encore aujourd’hui. Pour certains, je ne peux rien faire de plus. Alors je fais ce que je peux.

C’est dur d’être un homme ordinaire.