Les Confessions d'un Prof Maudit

3.4.07

Diable, vois-tu ce que j'entends?

De plus en plus, j’ai l’impression que les profs, après quelques années d’enseignement, finissent par vivre dans un autre monde. Un monde, chaud, granuleux, qui crisse sous la dent, où on est aveugle et où on peut en faire de moins en moins. Ce monde a deux continents : Tête-dans-le-sable et Minimum-d’efforts. Certains vivent sur l’un ou sur l’autre, mais plusieurs ont une demeure principale sur le premier avec une résidence secondaire sur le second, ou vice et versa.
* * *
En début de semaine, ça parle encore des élections. Les résultats sont tellement surprenants que, qu’on soit gagnant ou perdant, ça prendra quelques temps avant qu’on en revienne. Le sous-thème de la conversation concerne, bien entendu, la montée en flèche du p’tit Mario : est-ce vraiment un vote de protestation ou plutôt une montée de la droite? Chacun y va de ses hypothèses jusqu’à ce qu’une collègue ouvre la bouche et sorte ce que j’appelle communément une «bêtise pleine de préjugés»…

Prof d’un autre âge : En tout cas, moi j’ai voté ADQ pis chu ben contente. J’ai gagné mes élections d’une certaine façon. Quand je vois le monde su’l BS qui crosse le système…
Moi : Ben voyons, je vois pas comment un changement de gouvernement va empêcher ceux qui fourrent le système de continuer. De toute façon, entendons-nous, c’est pas une majorité!
Prof d’un autre âge : Aïe! J’en ai vu assez, à mon autre job. Y’ m’expliquaient tout’ comment y’ s’y prenaient. Ça me choquaient assez.
Moi : Mais entre ce qu’une personne dit et fait… En connais-tu personnellement?
Prof d’un autre âge : Non, mais ça change rien au problème.
Moi
(qui commence à pomper royalement… j’ai la mèche courte!) : C’est vrai. Sauf qu’honnêtement, entre une centaine d’assistés sociaux qui fourrent le gouvernement de 100 piastres par mois pis une centaine de profs qui se pognent le beigne pis crossent le gouvernement à coup de dizaine de milliers chaque année pendant 30 ans et plus, je préfère encore les assistés sociaux!

Je viens de sortir la hache de guerre. Je ne l’aime pas, elle ne m’aime pas. C’est une collègue directe et ses élèves rêvent d’être dans ma classe plutôt que la sienne. Car elle fait partie, mais ne le concédera jamais, de cette minorité enseignante que je viens de nommer crûment. Minorité pour laquelle le syndicat refuse un ordre professionnel. (C’est pas juste pour ça qu’il refuse, mais c’est une autre histoire…)

Prof Sixties (jusque-là muette) : Ben voyons! Des profs qui travaillaient pas, c’était il y a vingt ans. Avec la réforme, ça n’existe plus!
Moi
(encore plus su’l cul) : Quoi?
Prof Cokée
(qui observait sans rien dire) : Ben oui. Tous les profs travaillent, franchement. Moi j’en connais pas qui font rien.
Moi : Ben là! Vous me niaisez!??!?
Prof Cokée
(sur un ton de défi) : Du tout. En connais-tu personnellement, toi?
Moi : Et comment! C’est probablement que vous avez oublié les années où vous étiez à contrat, mais quand on fait 4-5 écoles en précarité, on les voit, ceux qui font la job à moitié. Parce qu’on ne comprend pas comment nous, les suppléants à contrat, qui nous tuons à l’ouvrage pour faire notre marque, on est bumpé, muté, rétrogradé sur la foutue liste prioritaire alors que d’autres passent dans les mailles du filet au nez et à la barbe des directions, des parents et des élèves. Je pense qu’y’en a au moins un par école, sinon deux. Je peux même t’en nommer.
Prof d’un autre âge
(catégorique) : En tout cas, pas dans notre école.
Moi : Ben certain dans notre école! Faut-tu que je les nomme?

Silence. Elles savent toutes, mais elles ne veulent pas savoir. La cloche de la fin de la récré a alors sonné et j’ai bondi, propulsé par ma fureur, laissant derrière moi la froideur d’une guerre en friche.

11 Comments:

  • L'image représnte bien le texte.
    Chialons sur tout mais je veux rien voir, rien entendre et surtout rien dire... mais juste chialer....
    On vit dans un monde bizarre.

    By Anonymous Anonyme, at 4.4.07  

  • Le voilà l,électeur type de l'ADQ: Un prof qui se pogne le beigne, près de sapension, tellement bien mérité et qui chiale contre les maudits BS qui fraudent le système. Moi, j'en connais, ici à Montréal, ils ont $537.00 par moi et paye $425.00 pour un deux et demi. avec la balance y font quoi vous pensez? Même dans le cas où ils vont sans gêne manger dans les soupes populaires il reste à peine $100.00 pour le chauffage, l'électricité, le téléphone, les articles de toilettes, s'habiller au Village Des Valeurs, etc ect ect. Cet électeur-professeur doit aussi penser que le gars passe le mois à la taverne et que quand il manque de sous pour ses cigarettes, il se fait un dépanneur!

    Ça me lève le coeur de voir ce genre personne juger les autres. Notre société est assez évoluée et riche pour donner à manger et abriter tout son monde décemment. Elle ne le fait même pas.

    By Blogger Marchello, at 4.4.07  

  • moi j'habite dans un quartier défavorisé et jsuis pas mal tannée d'entendre les professeurE qui surveille dire a tout bout de champs: je les hait les maudits BS!
    Ca leur fait un ptit velours de voire les meres regarder le plancher de honte...

    By Anonymous Anonyme, at 4.4.07  

  • Moi aussi j'en vois des profs qui travaillent pas, du haut de mes 3 cégeps en remplacement... ;) J'admire cette ligne de pensée!

    By Anonymous Anonyme, at 4.4.07  

  • Les PRÉJUGÉS sur les BS, chu pu capable de les entendre. Pu capable!! Gang de morons qui sont juste capables de répéter ce qui sort de la bouche d'une autre gang de morons sans se donner la peine de réfléchir, de regarder la vérité en face, d'essayer de comprendre, de regarder les vrais chiffres. Bande de moutons sans réflexion!!

    Pour les profs qui se pognent le beigne, j'en ai remplacé un en tout début de carrière et j'ai eu la chance de ne plus en croiser par la suite. Mon équipe-école, que je côtoie depuis ma première année d'enseignement, est formidable et dynamique. On a une super réputation. Les pogneux de beigne ne doivent pas avoir envie de venir travailler avec nous! :D

    Mais quand même, Prof Maudit, faut avouer que ce n'est pas la majorité. Comme dans tout. À moins que la différence ne soit à ce point marquée entre le milieu urbain (le tien, si je ne me trompe pas) et le milieu rural (le mien)...

    By Blogger Gooba, at 4.4.07  

  • La situation que vous dépeignez est, hélas, répandue dans certaines écoles de ma région. Quand à chaque récréation des enseignantes (des madames fatikées) se répètent : "Bon, une de moins!", ça ne fait pas des ambiances de travail stimulantes, ni des environnements d'apprentissage à la hauteur...

    On comprend pourquoi la réforme a été un tel cafouillage sur le terrain (et je ne parle pas dans les officines du Ministère!) : comment voulez-vous implanter un seul petit changement avec des acteurs fossilisés!

    By Anonymous Anonyme, at 4.4.07  

  • Je ne crois pas que ce soit une question d'âge ni de région. J'aurais tendance à croire qu'un prof qui est vaillant et passionné en début de carrière va le rester tout au long de son parcours. Des crétins, il y en a aussi chez nous. Des chialeux qui passent leurs journées à se trouver des prétextes pour critiquer, chialer et rester assis sur leur beigne. Qu'ils aient 25 ou 52 ans, la hargne les habite et ils prennent bien soin de l'entretenir. Sans oublier les crises d'apoplexie que les principaux concernés font lorsqu'ils nous voient saluer, parler, collaborer et même travailler dans le même sens que la direction. Sacrilège!!! Là les margoulettes se font aller!

    Les années m'ont incitée à fuir ce type de pollution, j'me retrouvais trop souvent en colère en argumentant avec des gros "épa". J'préfère déguerpir de leur champ de vision et aller me terrer avec les collègues de niveau dans notre salle de profs à travailler et à avoir du fun.

    Oh, en passant, je doublerais bien le chèque de BS des parents de plusieurs de mes élèves. Quand on connaît leur histoire...

    By Blogger La Souimi, at 4.4.07  

  • Prof Maudit:
    Ayoye, totalement d'accord avec le fait qu'il y a des profs qui pourraient se taire. Par contre, je t'invite aussi à lire le reste de ce qui suit. Bravo aussi de dire ce qui ne va pas aux personnes impliquées. On ne se fait pas aimer, mais est-ce qu'on tient vraiment à se faire aimer de ce genre de collègue...

    Marchello:
    Préjugé pour préjugé. Laissez-moi les démonter.
    Numéro Uno: J'ai voté pour l'ADQ, pourtant je me fends le cul en 4. Pourquoi j'ai voté? Pas le frisé, Monsieur Colgate-pas-d'colonne est même pas foutu d'endosser la séparation et le pays dont je rêve et Le ptit nouveau a certains bons points dans son programme (et lui au moins il les assume contrairement à un certain Snoro Menteur Frisé).
    Préjugé pour préjugé, je n’aime pas vraiment l'idée de me faire dire que je suis une croulante qui s'assoit sur son cul au lieu de travailler.
    Numéro Dos: Des BS fraudeurs, yen a des tas. J'ai juste à regarder dans mon entourage immédiat (famille) ou certains voisins. Une plainte? Pfff, la dernière qu'on n'a pas faite (c'était qqun d'autre) on a failli se faire casser les deux jambes; anyway l'anonymat ça n'existe pas. Le "vrai" assisté social, par contre, se débrouille avec ce qu'il a, coupe dans le superflu, est handicapé, se fait couper par le BS pcq il garde son fils déficient et autiste à la maison de plus de 18 ans (lui aussi est coupé), avec un loyer et un chauffage élevé, et il lui en reste assez pour faire l'épicerie (pas des cochonneries ou des restants). Pendant ce temps-là, les crosseurs d'à côté ont le câble full equiped, ne se font pas achaler par le BS pcq ils hébergent sans le déclarer qqun de leur famille, ont un conjoint sur le BS qui reste avec eux (et ils ne se font pas couper), fument, boivent pendant 3 jours de 8 heures du mat jusqu'à 3 heures du mat pour fêter le chèque avec d'autres comme eux (pendant que les enfants sont laissés à eux-mêmes) et ont des on-the-side. Une plainte? Imaginez si la famille peut vouloir nous péter la gueule, vous imaginez le reste? Et pour répondre, OUI, c'est un cas existant. All that in one case.
    Numero tres: Village des valeurs. Eeuuuh où est la honte? On trouve du beau autant là que dans les sous-sol d'église, et ya pas à dire, toute mon enfance, faute de sous, ma famille s'habillait régulièrement là. Et quand je dis toute... jusqu'à temps que mon père finisse par avoir un salaire décent, et surtout "égal" à ce que les assistés sociaux, protections comprises, avaient (mon père n'a jamais eu aucune protection, tout venait de notre poche...). On passait le 3/4 du revenu ou presque pour toutes les factures (loyer, électricité et téléphone DE BASE). Le reste servait au reste, et ils arrivaient à me payer des cours de piano et le collège! On a eu plus souvent qu'à notre tour des paniers de bouffe, des coupons, etc. On y arrivait, et j'avais 3 repas équilibrés par jour.

    Anonyme:
    Je serais tannée moi aussi... À la place de baisser la tête, affirmez-vous. Ya pas de honte à être assisté social, si on n'a rien à se reprocher. Et dites-leur haut et fort que vous en avez assez de leurs récriminations. Poliment, élégamment, mais fort.

    Souimi:
    Je doublerais le chèque de bien du monde qui s'arrache la vie et qui pourtant arrive avec le peu qu'on leur donne en faisant des miracles, et malgré leur histoire... Par contre, pour y arriver, faudrait donner un "coup de pied au cul" à plusieurs autres.


    +++++++++

    Bref, oui, il ne faut pas généraliser, mais il ne faut pas cacher la réalité au nom des "préjugés". Toutes les combinaisons existent, oui, mais faut dénoncer les "moins bonnes". J'en ai trop vu, et au dépens des autres qui sont corrects, pour ne pas les dénoncer, que ce soient des profs, des personnes sur le BS, des comptables, des avocats, des ministres, etc. Quand on utilise des préjugés pour en démontrer ou en défaire d'autres, bien de la misère. Parlez de vos observations, de votre vécu soit; dans ce temps-là ce ne sont plus des préjugés, ce sont des faits.

    By Blogger Dobby, at 4.4.07  

  • Cher PM,

    Des profs qui se pognent le beignet, j'en connais quelques-uns dans mon école. On les endure, on espère que la direction fasse quelque chose, mais bon: ça existe aussi des directions qui... Certains élèves sont victimes de ce manque de conscience professionnelle.

    Mais des employés qui trichent, j'en ai connus partout. Il est regrettable qu'il en existe en enseignement.

    Une anecdote: lors de ma première année d'enseignement, une collègue toujours fatiguée expliquait qu'il ne servait à rien de distribuer des dictionnaires aux élèves durant les examens parce qu'ils ne s'en servaient jamais. Bâtard! je donnais de la copie aux miens quand ils faisaient des fautes d'orthographe et là, cette dame désabusante qui n'arrivait pas à bouger ses élèves venaient me dire quoi faire! Grrrrrrrr!

    Pour ma part, il existe des profiteurs partout: du BS au wellfarebum. Toujours s'en prendre au plus petit est facile et peu menaçant. Jean Lafleur, ça vaut combien de BS fraudeur à lui tout seul, au fait?

    By Blogger Le professeur masqué, at 4.4.07  

  • Personnellement, je pense que comme tout métier il faut de la passion avant tout et que parfois avec un système boiteux on perd cette passion qui nous anime, dans le fond on peut tous se plaindre un jour que notre métier n'est plus ce qu'il était et c'est souvent vrai. Je me rappelle encore lorsque j'ai obtenu mon diplôme et que l'assistante du professeur nous a dit: il y'a 5 ans, les employeurs venaient chercher les étudiants lors du jury de fin d'études et se battaient parfois même pour avoir celui qui avait le mieux réussi. Du travail, il n'en manquait pas. Aujourd'hui je fais le métier classé en 9ème position des métiers «le plus le fun» et ce sur 4000 métiers... donc la concurrence est rude, la passion ne suffit plus parfois! J'espère qu'il existe encore des professeurs passionnés car il en faut pour que nos enfants puissent survivre dans cette société pas toujours évidente à comprendre.

    By Anonymous Anonyme, at 5.4.07  

  • @ tous

    la somme totale des BS's qui fraudent n'est rien comparé à tous ceux et celles du 450 du 418 et du 514 qui travaillent au noir ou bedon les «scandaleux commenditaires», et les Norbourgs et Nortel du Québec...

    Sont pas su'l BS mais ils nous coûtent cher en chr...sssst! En fait, ils ne font pas juste que frauder, ils ruinent des vies entières.

    Je ne dit pas que frauder c'est bien et qu'on devrait laisser faire... mais on devrait s'attaquer avec la même ardeur a pogner les riches Bougon qu'on en a pour les pauvres.

    Et ce surtout quand on vote ADQ, parce que c'est qui, croyez vous, qui va payer pour l'argent donné aux familles? ...c'est nous autres... pas les riches, ni les pauvres. C'est vous et moi. Si l'adq ne veut pas augmenter les impots, la seule alternative c'est d'économiser sur les services... Ça veut dire le ménage dans la fonction publique.

    Aux dernires nouvelles, les profs en faisait parti de cette fonction publique là.

    M'as dire comme Prof maudit, ce n'est pas les enfants qui vont avoir votre peau, c'est le système.

    By Blogger Rouspet, at 7.4.07  

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