Les Confessions d'un Prof Maudit

6.4.07

Space de père en fils

À la fin du primaire, les infirmières, en collaboration avec les CLSC et les services de police, passent dans les classes des finissants pour parler de puberté et des réalités du secondaire. La cigarette, la sexualité, les gangs, l’alcool et la drogue sont quelques-uns des sujets abordés.

Alors que notre infirmière aborde le sujet de la cigarette et de ses effets néfastes sur la santé, un élève intervient…

Ti-Cul Space Out : Moi, mon père, il a trouvé un truc super pour moins fumer. Ils invitent des amis et ils se passent la même cigarette entre eux!

Son père doit aussi faire d’excellents muffins!

4.4.07

Précarité, encore et toujours

C’était écrit dans le ciel.

Après que la commission scolaire ait fermé deux écoles l’année dernière, déplacé des dizaines d’enseignants en surplus et envoyé d’autres dans des commissions scolaires étrangères faute de postes…

Après que Grosse Vache m’ait mis hors de moi à l’affichage en juin dernier…

Après que la commission scolaire et le syndicat m’aient forcé, le cœur et le porte-monnaie dans l’étau, à quitter mes élèves en septembre…

Après que je me sois amouraché de mon nouveau milieu, prenant racines rapidement pour assurer mon bien-être dans un poste désormais mien…

Voilà que directrice ByZeBook m’annonce que ce poste sera fermé l’an prochain. Consternation, désespoir, rage, lassitude sont quelques-uns des états que j’ai traversés en l’espace d’une minute. Et je ne suis pas le seul. Nous sommes quatre à quitter. Baisse dans les inscriptions d’élèves et maximisation du ratio d’élèves dans les classes expliquent la décision de la commission scolaire d’octroyer moins de postes dans cette école. Et sûrement dans bien d’autres.

«Je tiens à te préciser que, si c’était seulement basé sur ton implication et ton travail auprès des élèves, d’autres seraient partis avant toi.» Je la sens sincère. Mince consolation, mais ça me fait quand même plaisir. Surtout après ce que j’ai écrit hier.

N’empêche que c’est vraiment à se demander pourquoi la commission scolaire et le syndicat forcent la main de tout le monde alors qu’ils savent d’ores et déjà ce qui va se produire l’année suivante! Ça leur tenterait pas de prendre un break? De fumer le calumet de la paix pis de faire les coins ronds un peu? En bout de ligne, ils seraient gagnants; la prochaine génération de profs aurait peut-être une meilleure estime d’eux et certains ne claqueraient probablement pas la porte à cause de toutes ces tractations beaucoup trop complexes et, souvent, irrespectueuses. Parce que, je le dis et le répète : ce ne sont pas les élèves qui font fuir les jeunes enseignants, c’est ce putain de système de merde!

Alors qu’est-ce qui m’attend? Serai-je encore prof l’an prochain? Pourrai-je encore m’égosiller d’une hargne muette sur la blogosphère?

Trois scénarios sont possibles.

petit a : D’ici la fin de l’année, une manne incroyable d’élèves s’inscrivent à l’école, réussissant à rouvrir quatre classes d’un coup. Étant le plus jeune en terme d’ancienneté, il faut d’abord prioriser mes aïeuls.

petit b : À la fin de l’année, on me déclare en surplus. Je dois donc me rendre à un affichage en juin et changer d’école. Toutefois, je peux signer une clause de «retour à l’école d’origine»; advenant le cas où une classe s’ouvrirait dans l'école en septembre, on me la proposerait en priorité. Cela, évidemment, si mes trois autres collègues ne font pas de même.

petit c : La commission scolaire n’a pas assez de postes à offrir. Je reçois donc une lettre de non réengagement et redrope sur la liste prioritaire. Le coup bas : si j’ai bien compris les explications d’une syndicaliste au bout du fil, comme j’étais «en voie de permanence» et que je n’ai pas fait «deux ans fixe», je perds cette année. Autrement dit, si je suis à nouveau dans un poste à moi, je dois recompter deux ans pour devenir permanent. C'était bien la peine de me faire miroiter la permanence. En plus, je dois me farcir l’affichage de la liste prioritaire. Le bœuf est de retour à l’abattoir!

*gros soupir* Ça n’arrêtera donc jamais?

3.4.07

Diable, vois-tu ce que j'entends?

De plus en plus, j’ai l’impression que les profs, après quelques années d’enseignement, finissent par vivre dans un autre monde. Un monde, chaud, granuleux, qui crisse sous la dent, où on est aveugle et où on peut en faire de moins en moins. Ce monde a deux continents : Tête-dans-le-sable et Minimum-d’efforts. Certains vivent sur l’un ou sur l’autre, mais plusieurs ont une demeure principale sur le premier avec une résidence secondaire sur le second, ou vice et versa.
* * *
En début de semaine, ça parle encore des élections. Les résultats sont tellement surprenants que, qu’on soit gagnant ou perdant, ça prendra quelques temps avant qu’on en revienne. Le sous-thème de la conversation concerne, bien entendu, la montée en flèche du p’tit Mario : est-ce vraiment un vote de protestation ou plutôt une montée de la droite? Chacun y va de ses hypothèses jusqu’à ce qu’une collègue ouvre la bouche et sorte ce que j’appelle communément une «bêtise pleine de préjugés»…

Prof d’un autre âge : En tout cas, moi j’ai voté ADQ pis chu ben contente. J’ai gagné mes élections d’une certaine façon. Quand je vois le monde su’l BS qui crosse le système…
Moi : Ben voyons, je vois pas comment un changement de gouvernement va empêcher ceux qui fourrent le système de continuer. De toute façon, entendons-nous, c’est pas une majorité!
Prof d’un autre âge : Aïe! J’en ai vu assez, à mon autre job. Y’ m’expliquaient tout’ comment y’ s’y prenaient. Ça me choquaient assez.
Moi : Mais entre ce qu’une personne dit et fait… En connais-tu personnellement?
Prof d’un autre âge : Non, mais ça change rien au problème.
Moi
(qui commence à pomper royalement… j’ai la mèche courte!) : C’est vrai. Sauf qu’honnêtement, entre une centaine d’assistés sociaux qui fourrent le gouvernement de 100 piastres par mois pis une centaine de profs qui se pognent le beigne pis crossent le gouvernement à coup de dizaine de milliers chaque année pendant 30 ans et plus, je préfère encore les assistés sociaux!

Je viens de sortir la hache de guerre. Je ne l’aime pas, elle ne m’aime pas. C’est une collègue directe et ses élèves rêvent d’être dans ma classe plutôt que la sienne. Car elle fait partie, mais ne le concédera jamais, de cette minorité enseignante que je viens de nommer crûment. Minorité pour laquelle le syndicat refuse un ordre professionnel. (C’est pas juste pour ça qu’il refuse, mais c’est une autre histoire…)

Prof Sixties (jusque-là muette) : Ben voyons! Des profs qui travaillaient pas, c’était il y a vingt ans. Avec la réforme, ça n’existe plus!
Moi
(encore plus su’l cul) : Quoi?
Prof Cokée
(qui observait sans rien dire) : Ben oui. Tous les profs travaillent, franchement. Moi j’en connais pas qui font rien.
Moi : Ben là! Vous me niaisez!??!?
Prof Cokée
(sur un ton de défi) : Du tout. En connais-tu personnellement, toi?
Moi : Et comment! C’est probablement que vous avez oublié les années où vous étiez à contrat, mais quand on fait 4-5 écoles en précarité, on les voit, ceux qui font la job à moitié. Parce qu’on ne comprend pas comment nous, les suppléants à contrat, qui nous tuons à l’ouvrage pour faire notre marque, on est bumpé, muté, rétrogradé sur la foutue liste prioritaire alors que d’autres passent dans les mailles du filet au nez et à la barbe des directions, des parents et des élèves. Je pense qu’y’en a au moins un par école, sinon deux. Je peux même t’en nommer.
Prof d’un autre âge
(catégorique) : En tout cas, pas dans notre école.
Moi : Ben certain dans notre école! Faut-tu que je les nomme?

Silence. Elles savent toutes, mais elles ne veulent pas savoir. La cloche de la fin de la récré a alors sonné et j’ai bondi, propulsé par ma fureur, laissant derrière moi la froideur d’une guerre en friche.

Une histoire dont vous êtes le Messie

Vous avez été plusieurs à réagir à mon texte sur l'homosexualité des plus jeunes. Que ce soit via les quelques commentaires ici ou les quelques courriels reçus, vous semblez avoir été émus.

Si c'est le cas, alors il y a encore du chemin à faire. Comme toute discrimination, on rêve du jour ou elle n'émouvra ou ne dérangera plus personne parce qu'elle ne sera plus considérée comme une différence.

Alors faites un Jésus de vous-même, un porteur de la bonne nouvelle! Si vous avez un blogue, citez-moi. Copiez-collez le texte au complet si vous voulez, j'm'en sacre! Vous n'avez pas de blogue? Faites passer l'adresse url, parlez s'en, invitez les gens à le lire. Imprimez l'article, collez le au bureau, dans le métro. Lisez-le à un souper entre amis, faites s'en un sujet de conversation à votre prochain club de tricot.

Pour que cette différence n'en soit plus une. Pour que ces enfants respirent un peu mieux.