Les Confessions d'un Prof Maudit

25.8.06

La Terre va continuer de tourner

Quelle nouvelle atroce! Mon Dieu! Quel drame pédagogique! Va-t-on survivre à ce nouveau et terrible chamboulement du monde de l’éducation?

Hein? Quoi? La réforme qui va tout croche? Non, non, je ne parle pas de ça. Les profs, on sait depuis longtemps que ça va de travers, cette réforme-là. Sauf que personne ne nous écoute jamais.

Je parle de Pluton! Mais kossé qu’on va faire? Toute ma planification en sciences était basée là-dessus! Je vais devoir brûler les manuels achetés à un prix de fou il y a deux ans, déjà désuets avant que je les aie utilisés pour la peine.

Comme je suis un pédagogue chevronné, je travaille déjà à une nouvelle phrase mnémotechnique (Mnémo-quoi? Technique, ma chère!) pour remplacer le «Salut Mon Vieux! Tu M’as Jeté Sur Une Nouvelle Planète.» (Soleil-Mercure-Vénus-Terre-Mars-Jupiter-Saturne-Uranus-Neptune-Pluton… pour les néophytes). Voici quelques exemples recherchés…

à la Mara Tremblay
Sur Mon Vélo Tout Minuscule, Je Suis Une Nouille!

à la Pierre Lapointe
Si Ma Veuve Te Marie, Je Serai Ultimement Navré.

à la Normand L’Amour
Stop Madame! Viens Tourner Ma Jupe Superbe… Unie… Noire…

à la Prof Maudit
Souffrance, Maudite Vache Trop Moche! J’te Saigne Un Nichon!

Chers lecteurs, je vous invite à me donner vos versions dans les commentaires!

24.8.06

C'est mon mien!

Bon, je l'avoue.

C'était VRAIMENT moins dramatique que je l'aurais souhaité. J'aurais tellement voulu que tout le monde pleure, qu'on soit le premier suicide collectif du milieu de l'enseignement, qu'on élabore un bûcher autour de l'école et qu'on y mette le feu, nous immolant du même coup pour la bonne cause, pour décrier notre abominable situation.

Mais non.

Il a fallu que tout le monde il soit beau, tout le monde il soit gentil. Tous souriaient, dans l'amour, les fleurs et la bonne entente, même s'ils se sont mutuellement plantés des couteaux dans le dos l'année dernière au sujet de l'horaire des spécialistes ou d'une surveillance oubliée et que, pour cette année, il rêve de la première occasion où ils pourront vous démolir pendant une réunion du personnel ou par une plainte à la direction. Parce que même si on enseigne aux élèves à régler leurs conflits de manière pacifique, par la communication et la recherche de solutions positives, n'allez pas croire que les profs se font un devoir de montrer l'exemple! L'enseignement étant un monde de femmes, la chicane pogne à rien et ça se saute à la gorge, toute manucure française dehors, coups de sacoche en prime. Ensuite, une fois le pli de la jupe effacé et la mèche de cheveux replacée, elles font sereinement la paix avec vous. En apparence seulement. Car elles prévoient déjà comment s'y prendre pour vous le faire payer parce que, de toute évidence, l'attaque en furie n'a pas fait assez de dommage. Et non, mesdames, je n'accepterai aucune critique à ce sujet! Vous savez très bien que c'est vrai. Certes, c'est une généralité, mais on n’appelle pas ça une «généralité» pour rien! Because c'est général, tsé! J'atténuerai toutefois l'insulte en disant que les hommes en éducation finissent par prendre ce mauvais pli.

Ceci m'amène à vous parler d'une autre réalité de notre beau monde scolaire. Ce matin, suite à notre délicieux déjeuner en gang où tout le monde s'aimait beaucoup trop, je retourne dans ma classe pour placer mon matériel afin que mes élèves y trouvent un lieu d'apprentissage agréable. Cependant, au fur et à mesure que je replace les tables et les pupitres, je m'aperçois qu'il manque des choses. Un tabouret a disparu. J'ai deux pupitres en moins. Un de mes ordinateurs n'est pas un de mes ordinateurs.

Être un néophyte en la matière, je pourrais croire que le concierge s'est servi. Mais, encore une fois, l'expérience m'a appris. Les années de prof suppléant m'ont montré que, à l'arrivée dans une nouvelle école, dans une nouvelle classe, vous êtes toujours celui le plus défavorisé en terme de matériel. Les autres titulaires se sont jetés sur le matériel de qualité, abandonné par le prédécesseur, comme des hyènes sur le cadavre du gnou dédaigné par le lion. Aussi, quand vous mettez les pieds dans le local, les bibliothèques ont disparu, vous avez les pupitres les plus moches, les chaises dépareillées, les ordinateurs défectueux et le nombre de livres de lecture à curieusement chuté de moitié.

Je me cite moi-même, pigeant à même ce texte: «... je retourne dans ma classe pour placer mon matériel afin que mes élèves trouvent un lieu d'apprentissage agréable.» Remarquez le sens très possessif de cette phrase. Le prof au primaire possède tout et tout lui est dû. Même si, en réalité, il possède bien peu. Empreint donc de cette possessivité qui est mienne, je m'élance avec une fausse nonchalance vers la classe de Phasme Anorexique, une collègue dont je vous reparlerai.

Moi : Dis donc, chose, t'aurais pas vu ça, ça pis ça?
Elle : Ah ben oui, c'est moi qui ai pris ça, ça pis ça quand je suis venue cette semaine. T'sais, on n'était pas sûr que tu revenais, facque...

J'ai souri, fait une blague. On a ri comme si tout cela était affreusement drôle et sans conséquence. Tout ce qu'il y a de femelle en moi va la faire payer!

23.8.06

État du moment


Est-il besoin d'en rajouter?

22.8.06

Des tonnes d'effets scolaires, pis ça, ça énerve!

Je suis présentement à travailler. «Quoi? Deux jours avant le retour au travail? L'est maso!» direz-vous. Et bien si vous croyez qu'on a assez de trois journées pédagogiques avant la rentrée pour se préparer, je vous rentre moi-même le doigt dans l'oeil, et jusqu'au coude en plus! Surtout quand vous êtes un enseignant à statut précaire et que, dans chaque école où vous posez les pieds, on vous considère, à priori, comme un ersatz d'enseignant, et ce même si vous avez plus d'expérience que certains titulaires.

J'élabore donc aujourd'hui la façon dont je gérerai le matériel scolaire demandé aux élèves. C'est le bordel.

Certains ici me diront que ça ne se peut pas, être bordélique, pour un enseignant. Effectivement, si on se dit que chaque prof est un petit dictateur en puissance qui tyranise et organise sa classe en faisant un petit Fidel de lui-même, cette opinion est parfaitement fondée. Quand on lui parle des effets scolaires, un titulaire pense nécessairement à «gestion» et «perfection». C'est d'ailleurs un sujet sacro-saint. Vous doutez? Prenez n'importe quel cahier de votre bambin et gribouillez-le allègrement ou décorez-le joliment de fleurs illustrées. Je parie fort que sa maîtresse cubaine aura des malaises et il risque bien de se faire sermoner férocement. Surtout, n'oubliez pas un seul élément de la liste pour la rentrée! Votre enfant se retrouvera avec une étiquette pour l'année et sera sans cesse ostracisé. Gestion. Perfection.

Aussi, les listes, composées dans cet ordre d'idée et fournies aux parents, sont toujours particulièrement exagérées. C'est à se demander si le chérubin ne s'attaque pas au MBA de Harvard! Les chtis cahiers, les chtis cartables, les chtites balles de tennis, les chtits séparateurs, les chtits stylos-crayons-feutres-marqueurs, les - AÏE! WOOOOH! Viarge, on veut pas devenir une succursale de Bureau en Gros! Après on essaie de faire croire aux gens que l'école, c'est gratuit! Mes dents se serrent et mes gencices saignent quand je pense aux parents qui ont déjà de la difficulté à joindre les deux bouts et qui ne doivent pas en dormir, la maudite liste planant comme une épée de Damoclès.

Comme les chances que je revienne à la même école étaient tout de même élevées (si on exclut Grosse Vache, évidemment), on m'avait autorisé - pour une première fois! - à participer à la rédaction de la vénérable liste. Je me suis donc assis avec mes deux collègues et j'ai, tout féroce que je suis, présenté mon point de vue. Pourquoi ne pas orienter la liste vers quelque chose de moins encombrant? Pourquoi vouloir cinq cartables à 3,00$ quand on peut se débrouiller avec 12 duo-tangs à 15¢? Pourquoi des séparateurs colorés-cartonnés-plastifiés-lubrifiés-aseptisés à 5,00$ le paquet quand on peut les faire, en papier construction, soi-même avec les élèves? Pourquoi trois tubes de colle quand il en reste toujours deux inutilisés à la fin de l'année? Soyons pratique, voyons abordable!

C'est comme si j'étais monté nu sur un pupitre pour chanter du Annie Brocoli en me swingant la saucisse. Inimaginable. Impensable. Inconcevable. Elles m'ont regardé, horrifiées, balbutiant devant l'audace et brandissant le brouillon de Ze liste tel un crucifix de papier.

Finalement, nous avons fait chacun notre liste d'effets scolaires. J'ai essayé, du mieux que j'ai pu, de diminuer le nombre et le type de chaque matériel requis. En bout de ligne, je n'ai pas tout transformé comme je le voulais. Parce qu'au fond, je suis un enseignant moi aussi: gestion, perfection! Sauf que moi, je ne le fais pas pour que mes élèves soient beaux et bien organisés. Je le fais pour qu'ils en bavent, les p'tits criss. Je me suis pas tapé un bacc de quatre ans pour être gentil!

21.8.06

Les vaches ne sont pas toutes laitières (il y en a aussi qui sont enseignantes!)

Vous ai-je parlé de Grosse Vache?

(Non, sûrement pas, épais! T'écris depuis quelques jours à peine!)

Et bien je vous en parle, car elle sera souvent présente au cours de l'année, Grosse Vache. Ce ruminant féminin est une jeune dame (j'aurais préféré une vieille peau, mais on ne choisit pas ses ennemis), nouvellement maman, que j'ai croisée à l'affichage des postes. En fait, «affichage des postes» est un terme poli, utilisé par le syndicat et la commission scolaire, pour désigner un abattoir. Je reviendrai sur ce sujet angoissant en juin 2007, alors que la date fatidique de cet encan bovin sera connue. Pour l'instant, tout ce qu'il faut retenir, c'est qu'elle est devenue mon ennemie à cet endroit et que son surnom est inconsciemment lié à cette expérience.

Bref, nous sommes à l'affichage. Pourquoi y suis-je? Parce que je suis un bouche-trou ou, dans le langage plus chic des hautes instances, un «enseignant à statut précaire». Comme toutes les bêtes entassées dans la salle, j'attends avec angoisse qu'on nomme mon numéro pour savoir à quel cheptel j'appartiendrai l'an prochain. On m'appelle enfin et je me rue vers l'avant, dans l'enclos d'attente, en compagnie de cinq autres victimes de la liste prioritaire.

Le seul avantage d'être des humains plutôt que des bovidés, c'est que nous pouvons choisir (dans une certaine limite) le lieu de notre calvaire à venir. Dans mon cas, je sais tout à fait où je veux aller. Je suis dans les premiers appelés, j'ai toutes les chances de mon côté. Sauf que j'ai bien appris, avec le temps, que la chance ne suffit pas. Il faut aussi faire avec l'hypocrisie et les fausses minauderies des 500 autres personnes présentes. D'accord, ce ne sont pas toutes des vaches, moi le premier (je suis un boeuf, hello!). Quand une copine me susurre à l'oreille que le contrat #127 l'intéresse et qu'elle est trois ou quatre noms derrière le mien sur la liste, je suis bon prince! Je ne vais pas le lui piquer, même si c'est le seul contrat restant qui vaut la peine. Appelez ça de l'abnégation, de l'éthique, de la morale ou de la stupidité, j'm'en fiche! Reste que, malgré les rares exceptions, dans ce troupeau, les têtes sans scrupules ont la majorité.

Je suis donc installé, le coeur (si, si, j'en ai un!) battant à tout rompre jusque dans mes tempes. J'ai chaud, il y a trop de bruits (les meuglements des steaks en devenir) et j'ai les jambes molles. La jeune femme à côté de moi a un bébé dans ses bras, inconscient du drame que vit sa mère. Je souris à la maman, offrant le peu de soutien moral que je peux fournir à autrui dans l'actuelle situation. Elle ne répond pas à mon sourire, que je dirige alors vers son bambin, beaucoup plus réceptif. Mes yeux se posent alors sur la main qui supporte bébé et qui tient un papier, couvert de nombres divers dont un, entouré de multiples cercles concentriques fluorescents. Le numéro de mon contrat. Ma respiration se fait difficile, j'ai le coeur dans le gorge et le sel des larmes proches qui m'irrite les yeux. Détrompez-vous: je ne suis pas ému, je suis en rage. Mais plutôt que de l'encorner sauvagement et de déchiqueter son corps dans un Stampede solo endiablé, je choisis de converser. Il est impensable de parler à autrui quelques pas avant le marquage au fer blanc, mais je ne suis pas à un sacrilège près.

Moi (doucereux) : Excuse-moi, je vois que tu as choisi le numéro-un-tel...
Elle (Arid extra-sec) : Oui.
Moi (faussement rassurant) : Tu vas voir, c'est une belle école. J'y ai passé la dernière année.
Elle (faussement intéressée) : Ah oui? De toute façon, je n'y serai même pas.
Moi (???) : ???
Elle : Ben oui, je suis en congé de maternité. Je le prends pour qu'on me paie, parce qu'il faut que je sois attribuée à un contrat pour avoir mon salaire, mais je ne serai pas présente.
Moi (revenant à la charge, plein d'espoir) : Écoute, je t'explique : ce contrat, c'est pour la même classe que j'avais cette année. Ce seront les mêmes élèves, et j'aurais bien aimé poursuivre avec eux ce qui a été commencé. Je sais qu'eux, l'apprécieront beaucoup aussi. Alors comme tu ne seras pas là de toute façon, peut-être pourrais-tu choisir un autre contrat?
Elle (retour Arid ultra-supra-extra-sec, plus sourire hypocrite au cube) : Non, je suis désolée.

Elle a effectivement pris le contrat. Je l'aurais tuée, tirée avec un gros calibre, comme une vache folle.

Par un heureux concours de circonstances, je serai malgré tout avec mes élèves cette année. Je la remplace dans son remplacement. Mais, comme toute enseignante en congé de maternité, elle peut décider de réintégrer son contrat à tout moment. N'est-il besoin de vous dire que je vais cacher une winchester en-dessous de mon bureau.

20.8.06

Et c'est pas fini!



J'étais convaincu que la rentrée des enseignants était le mercredi 24 août. En fait, c'est le jeudi 24 août. Je jubile, je viens de gagner une journée de plus dans mes vacances. F*ck you all! Gnark! Gnark! Gnark!