Les Confessions d'un Prof Maudit

11.12.06

Les Aventure du P'tit Maudit

Parce qu’avant d’être prof, il était petit…

Septembre. 1980. Il est en première année.

Les vacances ont été difficiles. Ses parents se sont séparés à la fin de l’été. Il se retrouve dans une région de l’île de Montréal qu’il ne connaît pas. Sait-il seulement ce que c’est, Mon-ré-al? Que c’est une île? Lui, il connaissait seulement Saint-Bruno, Chez-Grand-Maman et Rosemont. Parce qu’à Rosemont, y’a matante M, matante T et marraine M. Il sait qu’il s’est rapproché d’elles. Mais Ville dans joue? Jamais entendu parler!

Il n’était pas à la rencontre précédant la rentrée, celle où tous les élèves de maternelle de l’an dernier revoient leurs camarades et rencontrent leur nouvelle maîtresse. Alors le jour fatidique, il se présente à l’école avec sa maman. Il est venu avant, pour qu’on lui présente Prof Poule, qui a comme une crête sur la tête plutôt que des cheveux. Malgré tout, elle a l’air assez gentil. Après qu’elle lui ait montré son casier, elle lui indique où prendre son rang dans la cour. Suivent des adieux déchirants à maman, comme s’il ne la reverrait jamais, comme si elle l’abandonnait. Plus tard, il s’avouera qu’il y avait un peu de ça, mais c’était aussi parce qu’il avait peur pour elle.

Puis, il s’est retrouvé seul sur la cour, errant le long de la clôture. Il n’a jamais vu autant d’enfants. À Saint-Bruno, la cour, c’était un parc gazonné, avec une mare et des arbres. On jouait à la marelle ou au ballon. Ici, c’est un barbelé de métal qui s’étend sur une distance qu’il pourrait quantifier en kilomètres – s’il savait ce qu’est un kilomètre – autour d’une mer d’asphalte. Ça court partout, ça crie sans arrêt. La cloche sonne : soulagement. Il se pitche pour être le premier dans le rang et se tient bien droit, son petit habit beige (avec chemise blanche et veste sans manche) lui donnant l’air d’un prince.

On le pousse dans le dos.

- Aïe! Té pas dans ‘bonne clâsse!
- Ouin! Va-t’en!
- Oui, c’est ma classe. Thérèse me l’a dit.
- Menteur!
- Non! Je mens pas!

Ils le harcèlent, ils le picorent. Un plein poulailler sur son dos, prêt à lui arracher son duvet, à déchirer son habit en morceaux. On n’a jamais été méchant envers lui. À part M-A, mais ça, c’est une autre histoire. Devant cette haine qu’il s’explique mal parce qu’il ne sait même pas s’expliquer dans sa tête le sentiment qu’il vit sur le moment, il éclate en sanglots.

Prof Poule se pointe sur ces entre faits. Elle caquette, cherche à comprendre. Ça piaille de tout bord, tout côté: Pit-pit par ci, pitpit par là. Elle finit par comprendre. Alors elle s'emporte devant l'injustice et l'incompréhension et les poussins prennent leur trou alors que le petit canard pleure encore. Première journée, premières cinq minutes, et la maîtresse chicane déjà. L’année va être longue, se disent les poussins. Alors ils jettent leurs yeux méchants sur celui qui devra porter l’odieux d’avoir gâché la rentrée. Et il aura peur.

Pour le P’tit Maudit, en cinq minutes, on lui a appris à être une victime. Et ça le hantera longtemps après la rentrée, looooooongtemps…