Les Confessions d'un Prof Maudit

9.9.06

Comment détester une grosse vache

Savez-vous ce que j’ai appris aujourd’hui en communiquant avec le bureau des ressources inhumaines au sujet de mon contrat? Qu’il est impossible pour eux, dans l’instant, d’émettre ledit accord écrit.

Parce qu’une certaine enseignante en congé de maternité ne s’est toujours pas présentée pour signer son propre contrat. Autrement dit, je ne peux la remplacer tant qu’elle n’est pas engagée…

Elle est pas juste vache, elle est épaisse en plus!

7.9.06

Statistiques Hérétiques: De Kossé?

Comme aujourd’hui j’ai reçu ma première paie (Yahoo-je-peux-faire-une-épicerie-qui-a-de-l’allure!), j’ai pensé vous expliquer le concept derrière les Statistiques Hérétiques, à la droite de votre écran.

Durée de la damnation: C’est le nombre de jours passés au travail, avec ou sans les élèves.

Heures du calvaire : C’est le nombre d’heures passées à travailler, peu importe où, quand et en présence de qui. Je ne compte pas mes heures de dîner, les récréations où je ne surveille pas et les périodes libres où je crisse mon camp. C’est le système qui abuse de moi, pas l’inverse!

Heures rémunérées : Le nombre d’heures payées, jusqu’à présent, par mon employeur. Vous constaterez ici qu’il n’y a pas d’égalité entre les heures travaillées et celles payées. Non, ce n’est pas parce que je fais déjà des heures supplémentaires. La rentrée, c’est relax; les planifications sont simples, on n’a pas encore de corrections à la tonne, les projets ne sont pas amorcés et la récupération avec les élèves n’a pas commencé. C’est simplement parce qu’en tant qu’enseignant à statut précaire, la commission scolaire m’impose un décalage de deux semaines, tant et aussi longtemps que je n’aurai pas signé mon contrat. Pourquoi? Fouille-moé!

Gains monétaires : Ce que j’ai fait de ca$h jusqu’à présent. Puis-je vous dire que j’anticipe le premier octobre avec son loyer et ses comptes à payer en ta’?

Pertes monétaires : C’est l’argent que je mets de ma poche à mon enseignement. Quoi? Vous pensiez que l’école payait tout? Ben voyons! Si le directeur ou la directrice trouve que ce n’est pas pertinent, vous n’avez pas une cenne. Y’a rien qui me fait plus chier que la radinerie, budget serré ou pas. Alors je sors mon porte-monnaie, comme plusieurs enseignants dévoués qui ne veulent pas s’astreindre à une question de sous.

Évidemment que les enseignants font des heures sup. Évidemment qu’ils ne sont pas payés à la juste valeur de leur travail et de leur implication. Mais à quel point? Suivez ces statistiques tout au long de l’année. Elles seront révélatrices.

6.9.06

Échec en maths

«Un gouvernement libéral s’engagera à fournir de l’aide aux devoirs à TOUS les élèves du niveau primaire des écoles publiques du Québec

Ça vous dit quelque chose? Moi, ça ne me dit absolument rien.

Ce chef en course pour siéger à la tête du Québec l’a répété autant comme autant, cette promesse. Il en a fait un de ses chevaux de bataille. C’était inscrit en grosse lettre dans son programme électoral. Il ne promettait pas l’aide aux devoirs qu’aux élèves en difficulté, non. Il visait haut : TOUS les élèves y auraient droit. Je trouvais (et trouve encore) que c’était une mesure complètement ridicule puisque ce n’est pas du tout là que le bât blesse dans mon «plus beau métier du monde», mais je me disais que c’était franchement mieux que rien. Deux ans plus tard, on est encore au niveau du rien. Pourtant, c’est pas comme s’il n’y avait pas eu de ca$h mis sur la table!

Durant l’année scolaire 2003-2004, j’avais un groupe de 2e année de 19 élèves. Au début de l’année, la direction m’informe que trois de mes élèves pourront avoir droit à l’aide aux devoirs. Ce petit chiffre n’est même pas suffisant pour répondre aux besoins de tous mes élèves en difficulté.

En 2004, le 20 mai très exactement, Pierre Reid, ministre de l’éducation à l’époque, annonce des fonds de 10 millions de dollars alloués aux commissions scolaires du Québec pour le programme Aide aux devoirs. «Yes, ça bouge!» me dis-je enfin. Au début de l’année scolaire 2004-2005, quand je m’enquiers du nombre d’élèves qui auront un tuteur d’aide aux devoirs, on me répond : trois…

En 2005, pas une cenne. Cette fois en 5e année, on m’informe que deux élèves auront ce service…

Le 13 février 2006, le ministre de l’éducation, des loisirs et des sports (parce que les sports et les loisirs ont tel-le-ment de liens avec l’éducation…), Jean-Marc Fournier (duquel mon collègue blogueur Prof Malgré Tout fait une désopilante comparaison), annonce des fonds de 20 millions de dollars pour les commissions scolaires du Québec, toujours dans le cadre de l’aide aux devoirs. Le double de deux années plus tôt. Début de l’année scolaire 2006-2007, qu’est-ce qu’on m’apprend? Peut-être trois places… mais pas sûr.

Question de ce problème mathématique même pas algébrique : où est passé l’argent? Qu’en ont fait les commissions scolaires pour que rien ne bouge malgré 30 millions de dollars?

Petite extrapolation fictive selon les chiffres actuels. Établissons le nombre approximatif d’élèves dans les écoles du Québec à 900 000, pour ne pas trop faire peur à la fin du calcul. En moyenne, 79 200 élèves, donc 8% (dans le meilleur des scénarios) avaient l’aide aux devoirs en 2003. 3 ans plus tard et 30 millions de dollars de plus (pas des pinotes, là!), 118 800 élèves bénéficient du programme, soit 13%. Considérant que le gouvernement s’est engagé à fournir ce service à TOUS les élèves, et considérant la façon dont ces fonds sont actuellement gérés, il faudrait qu’en moins d’un an (ce qu’il reste du mandat du PLQ) le gouvernement injecte plus de 179 millions de dollars dans ce programme! Admettons qu'on voudrait garder ce gouvernement, le temps qu'il réalise son mandat et selon le ratio d'argent donné par année, le Parti Libéral du Québec devrait rester au pouvoir 18 ans. Ça nous tente-tu?

Patapouf est loin du compte! Et les commissaires ont sûrement quelque chose à voir avec les faibles taux de réussite en mathématiques...

Au programme ce soir: Spirited away suivi de Slapshot (in your face!)

Aujourd’hui, j’ai perdu un élève. Pas dans le métro. Pas parce que j’avais dépassé mon ratio. Il a simplement disparu.

Cet élève était un bijou. Ce n’était pas un têteux, ce n’était pas un bollé, c’était juste un élève particulier dans sa normalité. Je l’ai côtoyé pendant un an. Je lui ai appris un tas de nouvelles connaissances. Je l’ai supporté dans ses tentatives – pas toujours fructueuses, j’en conviens – de surmonter ses difficultés. Il me faisait rire comme il pouvait me mettre en colère. C’était un élève tout ce qu’il y a de plus ordinaire et d’extraordinaire. Mais il a disparu.

La semaine dernière, il s’est accroché à moi. Un chien de poche sur la cour de récré. Un câlin rapide à chaque sortie de classe, presque gêné. Il est en 4e année, il faut le comprendre. Les rapports trop affectueux avec son prof, ça pourrait faire «bébé». Pendant quatre jours, j’ai été un phare, une bouée, un pilier immuable pour lui. Il n’a pu rester dans ma réalité. Cet enfant, coincé dans un conflit juridique entre ses parents, a finalement changé d’école à son corps défendant.

J’aurais voulu te dire… J’aurais voulu te serrer dans mes bras et te dire comme je regrette. À quel point j’ai fait mon possible pour être là, à tes côtés, dans les minces limites permises par ma profession. Combien j’ai senti et ai été à l’écoute de ton désarroi silencieux, toi qui n’as jamais dit un traître mot sur ta situation. J’aurais tant voulu te dire que tes parents qui pensent vouloir ton bien, ne réalisent pas tout le mal qu’ils te font. Qu’ils sont trop pris dans leur amertume et leur rancœur d’une relation idéale et d’une vie de famille parfaite qui ont foutu le camp. J’aimerais te dire d’ouvrir ton cœur d’enfant et de les comprendre là où ils se refusent à se comprendre eux-mêmes. L’un et l’autre t’aiment et veulent le meilleur pour toi, même si cela implique de te faire connaître les pires états d'âme, les émotions les plus déchirantes, de détruire une partie de toi. Pardonne-moi de ne pas avoir pu t'exprimer tout ça en mots.

Et bonne chance dans ta nouvelle école.

***

Je voudrais que ce texte se termine ici. Mais je ne peux rester silencieux devant les attaques vicieuses qui ont plues sur ce blog et celui de Patrick Lagacé, après qu’il eut parlé de mes confessions. Je respecte énormément Patrick, un des rares journalistes qui, tout en critiquant, fait très souvent une juste part des choses. Même s’il a cité l'aveu le moins empreint de second niveau, j’atteins une visibilité jamais imaginée! Ça implique aussi que je sois beaucoup plus rapidement sur le bûcher que je ne l'aurais cru.

À tous ceux qui ont déversé un fiel à mon endroit, comme si j’étais le pire des pédophiles, j’enlèverai, l’espace d’un instant, mon masque de prof maudit pour vous répondre.

J’adore mes élèves.
Mon métier me prend aux tripes.


Et quand je lis vos commentaires, souvent haineux et sans subtilité, je ne souhaite que profondément poursuivre en enseignement. Pour bien leur apprendre ce que sont l’humour au second degré et l’ironie. L’imagerie démoniaque de mes propos est, pour ceux qui l’auront compris, une manière de leur donner une saveur. Sinon, le sujet même de ce blog pourrait vite devenir emmerdant pour les néophytes.

N’allez pas croire que le début de mon texte, à l’eau de rose sirupeuse, avait pour but de me mettre dans vos bonnes grâces. J’ai eu le cœur gros toute la journée à contempler sa place vide et à devoir me débarrasser de son bricolage qu’il ne terminera jamais. Il était hors de question que je laisse vos attaques perfides nuire aux sentiments honorables que le drame de cet élève m'a fait vivre.

Quant à ceux qui me mettent en garde contre mon identité facile à dévoiler, je vous dirai que ce serait la meilleure chose qui pourrait m’arriver! J’aurais droit à un battage médiatique d’envergure et je ne me gênerais pas alors pour crier haut et fort, encore et toujours, le peu de cas que notre gouvernement fait de nos enfants et de nos générations futures. Tout le monde en parle, here I come!

P.S. : Je sui désoler pour les comentères êneux que j’ai effassé sur ce cite, mais an temps que profesionel de l’ansègnement, je ne pouvê toléré ôtan de fôte d’ortografe… déformassion profesionnele!