Les Confessions d'un Prof Maudit

7.2.07

Fille ou garçon

Les écoles où j’ai enseigné ont toujours compté en moyenne 500 élèves. Il est franchement impossible de mémoriser clairement le nom de chaque morveux. Aucune secrétaire ou direction d’école ne peut s’en vanter. Même dans une classe de 30, on finit par se tromper. Au rythme des années qui passent, on confond les visages, les prénoms similaires, les frères ou sœurs des anciens élèves… Dans le contexte d’une école constamment en effervescence, où vous devez faire des interventions quotidiennes auprès d’élèves que vous ne connaissez pas, il faut donc un truc. Pas de «Aïe!», de «Chose!» ou de «Toé-là!»; ça pourrait brimer l’enfant. Poooooov’ ‘tits-enfants!

J’ai donc, au fil des ans, opté pour le simple «Garçon!» ou «Fille!», éructé avec une voix de stentor qui fait trembler les murs. C’est concis, efficace et aucunement péjoratif (malheureusement). Et quand il y a plus qu’un garçon ou qu’une fille? me demanderez-vous. Parce qu’on s’entend, ça pullule, ces petites bêtes! Je vous répondrai par cette conversation de cour d’école…

Ti-Cul : Pourquoi t’appelles tout le monde «fille» ou «garçon»?
Prof Maudit : J’appelle pas tout le monde «fille» ou «garçon»!
Ti-Cul : Ben oui!
Prof Maudit : Ben non. Est-ce que je t’appelle «garçon»?
Ti-Cul : Aaaah! Non! C’est pas ça j’veux dire! (J’adore les faire pomper, surtout quand c’est tellement évident.)
Prof Maudit : Ben kesse tu veux dire? (Je continue en plus!)
Ti-Cul : Ok. On est 500 élèves. Tu connais le nom de tes élèves, pis d'ceux des autres élèves de 6 en majorité… pis des tannants. Mais quand t’es dans la cour ou dans le corridor pis que tu fais des gros yeux, tu dis «garçon» ou «fille»… Mais ça pourrait être n’importe qui! (Voici l’avantage de les narguer un peu : leur conversation est soudainement mieux construite et plus claire.)
Prof Maudit : J’ai pas besoin de savoir c’est qui. Ils le savent eux-mêmes.
Ti-Cul : Hein?
Prof Maudit : Quand je dis «garçon» ou «fille», c’est toujours la bonne personne qui se retourne.
Ti-Cul : Même pas! (Traduction : C’est même pas vrai!)
Prof Maudit : Tu veux gager un devoir?

(Parenthèse - L’option «gager un devoir» est un des moments privilégiés de mes élèves. Je suis le seul à pouvoir mettre la gageure sur la table. Dans le cas où j’ai raison, l’élève se mérite un devoir supplémentaire. Si j’ai tort, je dois lui donné un congé de devoir. Cette seule idée les fait se jeter sur l’occasion comme un Jean-Marc Fournier sur une allocution niaiseuse. Évidemment, ces moments ne se produisent que lorsque je sais que je vais gagner. MOUHAHAHA!)

Ti-Cul : OK!
Prof Maudit : Parfait, tope. (Il s’exécute.) Au prochain élève que je vois en train de faire une niaiserie, je me retourne et je crie «garçon» ou «fille». Si c’est le bon qui se retourne, je gagne. Si c’est un autre, tu perds.
Ti-Cul : D’acc… Aïe! Aïe! Aïe! (Sont vites pareil!)
Prof Maudit : Ok, ok. Mais t’as compris?
Ti-Cul : Ouep!

Ça n’a pas pris trente secondes qu’un innocent en étouffait un autre dans le banc de neige à une dizaine de mètres. Je me retourne, faisant face au mur, et gueule un «Garçon!» bien senti. Quand je reviens à la situation, non seulement le bon élève s’est redressé, mais il est déjà en route vers moi, se justifiant avec un chapelet d’excuses diverses. Winner : Prof Maudit, as usual. Ti-Cul a fait une fausse moue de mauvais perdant et a choisi une feuille de calculs comme devoir supp’. Je l’ai quand même éclairé sur ce miracle :

- C’est le pouvoir de la culpabilité, garçon!

5.2.07

Découverte

Bonsoir. Ici Charles Tysseyre. Ce soir, à Découverte, nous nous immergeons dans le monde fascinant et merveilleux des toilettes d’école des garçons. Un voyage fantastique au cœur d’un univers microbien où notre odorat est constamment en éveil.

Notre aventure commence sur le siège de la cuvette, où gisent de petits étangs urinaires. Dans ces flaques, une ménagerie naît. Un peuple de micro-organismes qui s’animent à un rythme totalement différent du nôtre. Cette faune est toutefois constamment en danger. Les pertes en vie sont nombreuses car des âmes insouciantes y déposent parfois leur fessier. Heureusement, ce milieu a son propre système de défense : l’humidité désagréable et inattendue de ladite flaque. Le fessier, à peine déposé, se relève et fuit séance tenante. Et comme ses fesses appartiennent à une âme généreuse et responsable, ce lieu trépidant de vie ne sera aucunement épongé.

C’est au cœur même de la cuvette que l’on peut souvent trouver la soupe primitive. Des déjections, quelquefois étalées en couches successives, protègent un ensemble d’organismes vivants aussi surprenant que nauséabond. Malgré son inertie totale, ce bouillon se défend aisément de lui-même, en dégageant son odeur sur des corridors à la ronde. Il arrive qu’un adulte courageux mais insouciant décide d’évacuer ce brouet avec un jet d’eau puissant connecté à même la cuvette. Dès lors, deux choses peuvent se produire. Selon l’état avancé ou non de la stratification de la soupe, elle disparaîtra sous le jet ou permettra à sa faune de proliférer – grâce à un savant système d’obstruction des eaux – en s’épandant, à même le liquide aqueux, sur l’ensemble du sol carrelé.

Enfin, c’est autour de la cuvette que se trouve la plus récente découverte faite à ce jour sur cette jungle méconnue des toilettes masculines. Là, à un niveau où l’œil humain daigne rarement se poser, notre odorat nous dévoile une réalité à vous couper le souffle. Des décennies de fines pluies d’urine ont anéanti la structure moléculaire du mur, du carrelage et même du métal environnants. Formes et couleurs sont complètement transformées. Rien ne survie en ces lieux sinon qu'une étrange odeur. C’est là que réside l’essence même de la dernière trouvaille des scientifiques les plus renommés. En effet, en comparant les composés chimiques odoriférants de cet environnement, on a découvert que cette odeur était exactement celle…

des biscuits au gingembre.

Voilà! C’était tout pour cette émission. Revenez-nous la semaine prochaine où nous pénétrerons dans l’univers très spécial des collations oubliées dans les casiers pendant les vacances de Noël. À bientôt!