Les Confessions d'un Prof Maudit

12.10.06

Meet the parents

À lire les commentaires, plusieurs ont bavé toute la journée dans l’espoir d’un billet hyper croustillant sur les parents. Prenez quelques instants pour bien essuyer votre clavier et calmer vos chaleurs naissantes avant de poursuivre votre lecture.

Est-il besoin de préciser qu’il existe plusieurs types de parents? Je pourrais parler de la minorité, celle qui est conséquente entre l’école et la maison, celle qui ne dénigre jamais le prof devant son enfant et celle qui fait un suivi serré et efficace des retards, stagnations ou avancés pédagogiques de son rejeton. Mais on s’en torche de ses parents là! Y’ont rien de palpitant. Font presque chier d’être aussi parfaits tant y’a rien à leur reprocher. Non. Ceux qui vous intéressent, bande de petits vicelards web-maniaques, ce sont ceux qui me font chier, hein? Ceux qui me font presque perdre contenance en réunion. Ceux qui me font lever les yeux au ciel comme une adolescente avec leurs mots pathétiques dans l’agenda. Ceux qui me font dire que la DPJ devrait avoir un ministère pour elle seule ou que le Québec devrait se doter d’une politique de contrôle des naissances digne de Fortress avec Christophe Lambert. Et bien c’est de ceux-là dont je vous parlerai.

Aujourd’hui : le parent papoute. (Insérez ici petite musique des capsules télévisées du Service canadien de la Faune des années 80) Qu’est-ce qu’un parent papoute? Ou plutôt, comment bien identifier le parent papoute?

- Le papa papoute et la maman papoute, lors de la présentation du personnel de l’école à l’assemblée de la rentrée, vous font des tatas comme si vous étiez un flo brainwashé qui récite mécaniquement les paroles de Maudit bordel de Marie-Chantal Toupin à L’École des Fans.
- Le papa papoute coupe lui-même la viande dans l’assiette de sa fille de 8 ans parce qu’un couteau, voyez-vous, c’est dan-ge-reux.
- La maman papoute vous remet la fiche d’allergies de sa fille en précisant qu’elle a écrit au verso les allergies qu’elle «pense» que sa fille a, comme si la liste officielle n’était pas déjà assez handicapante.
- La maman papoute, alors que petit garçon vous regarde avec des yeux qui crient «Sauve-moi!», refuse que son fils de 10 ans participe à la classe verte «parce qu’il pourrait s’ennuyer».
- Le papa papoute, à chaque rencontre pour la remise du bulletin, parle à sa fille de 12 ans comme si elle était un caniche miniature : «Pourquoi qu’elle a de la difficulté, la fi-fille? Elle veut-tu le dire à pôpa, hein? Dis-le à pôpa.»
- La maman papoute écrit dans l’agenda de son fils qu’il serait préférable que je diminue mes exigences pour les évaluations parce que les examens donnent des migraines à son pauvre fiston.
- Le papa papoute laisse toujours son fils de 10 ans gagner à n’importe quel jeu pour ne pas le brimer dans son estime de soi.

Ô scandale, je n’invente rien. Chacune des précédentes situations a été pour moi une expérience traumatisante. Deux choses arrivent aux enfants des parents papoutes. Ils deviennent des jeunes incapables d’affronter les bas de la vie réelle, de faire face à la moindre forme d’échec. Ou alors ils se transforment en rebelles extrémistes qui discutent et obstinent toute suggestion – qu’elle soit bonne ou mauvaise – venant d’une quelconque forme d’autorité.

Vous ne réussissez toujours pas à bien visualiser le phénomène? Je vous suggère cette vidéo d’un papa papoute en pleine action. C’est d’ailleurs ce clip qui m’a fait choisir ce surnom de «papoute».

11.10.06

Mort... et ressuscité

- Il paraît qu’ils l’ont tué…
- De qui tu parles?
- Du Prof Maudit.
- Non?
- Si! Il aurait donné une retenue à son quatrième jour de classe.
- Ouch! Quelle audace!
- C’est un héros.
- C’était…
- Oui.
- Mais bon… comment…?
- Des filles lui auraient frappé des effaces à tableau en pleine face.
(visage horrifié)
- Il s’est effondré et s’est mis à cracher du sang. Et puis ça lui suintait de partout. Il paraît qu’il ressemblait à Isabelle Adjani dans
La Reine Margot. Tu vois?
(hochements de tête incertains)
- Alors d’autres verrats lui ont ligoté les pieds et les mains avec un agencement d’élastiques et de trombones.
- ‘Sont futés.
- Mets-en! Dangereux les p’tits criss de nos jours.
- Mais après…
- Une de ses collègues m’a raconté. Elle a été témoin de la suite parce que tout un boucan venait de la classe en question.
(mouvements des mains pour dire «
Envoye, déguédine!»)
- Bref… ils l’ont fouetté avec des règles et des cartables après lui avoir agrafé les lèvres et collé les paupières.
(hoquet d’horreur)
- Ils l’ont éviscéré avec leurs compas et leurs équerres, ont dessiné des figures tribales et kabbalistiques sur les murs et, finalement, lui ont éclaté la tête avec son propre bureau.
- Tout ça pour une retenue? Une chance que c’était pas un devoir supplémentaire!
- T’as raison. Par la suite, ils ont envoyé un suppléant en classe comme sacrifice et ils se sont calmés.
- Ils ont bien fait. Faut faire diminuer la liste prioritaire de ses 472 personnes après tout!
- Tu l’as dit bouffi!
- Mais qu’est-ce qu’on va faire sans lui?
- Je ne sais pas. J’ai pensé partir une secte…
- On pourrait lui ériger une statue!
- La commission scolaire est déjà sur le coup : un immense mémorial à son image, de 20 mètres de haut, en or serti de rubis et d’émeraudes. Pis prépare-toi : ce soir, Jean-Marc fait un appel à la nation à la télé.
- C’est à la hauteur du martyr qu’il est devenu.
- Oui. Que son âme repose en paix.
- Amen.

Si seulement j’avais des faits aussi héroïques à vous rapporter après cette semaine et demi de pesant silence. Mais non! Même pas! Ceci dit, reprendre une classe un mois après ses débuts, c’est vivre une deuxième rentrée en pire, sans le temps de préparation nécessaire. On pédale comme un fou, on s’essouffle et on n’est jamais satisfait de ce qu’on réussit à pondre. On doit faire avec un système implanté qui ne fait pas toujours notre affaire (qu’on doit modifier avec doigté et délicatesse pour ne pas brusquer les petits choux) et avec des décisions prises sans qu’on ait eu voix au chapitre. Pire : j’ai dû me taper une deuxième rencontre de parents (argh!) dans un milieu encore plus exigeant et bourgeois que ma précédente école.

Mea culpa donc pour ce jeun imposé. Je n’aurai d’autre choix, en guise de réparation, que d’écrire durant certains jours de congé. Petit scoop pour vous mettre l’eau à la bouche : demain, je vous parle des parents. Ça va fesser!