Fille ou garçon

J’ai donc, au fil des ans, opté pour le simple «Garçon!» ou «Fille!», éructé avec une voix de stentor qui fait trembler les murs. C’est concis, efficace et aucunement péjoratif (malheureusement). Et quand il y a plus qu’un garçon ou qu’une fille? me demanderez-vous. Parce qu’on s’entend, ça pullule, ces petites bêtes! Je vous répondrai par cette conversation de cour d’école…
Ti-Cul : Pourquoi t’appelles tout le monde «fille» ou «garçon»?
Prof Maudit : J’appelle pas tout le monde «fille» ou «garçon»!
Ti-Cul : Ben oui!
Prof Maudit : Ben non. Est-ce que je t’appelle «garçon»?
Ti-Cul : Aaaah! Non! C’est pas ça j’veux dire! (J’adore les faire pomper, surtout quand c’est tellement évident.)
Prof Maudit : Ben kesse tu veux dire? (Je continue en plus!)
Ti-Cul : Ok. On est 500 élèves. Tu connais le nom de tes élèves, pis d'ceux des autres élèves de 6 en majorité… pis des tannants. Mais quand t’es dans la cour ou dans le corridor pis que tu fais des gros yeux, tu dis «garçon» ou «fille»… Mais ça pourrait être n’importe qui! (Voici l’avantage de les narguer un peu : leur conversation est soudainement mieux construite et plus claire.)
Prof Maudit : J’ai pas besoin de savoir c’est qui. Ils le savent eux-mêmes.
Ti-Cul : Hein?
Prof Maudit : Quand je dis «garçon» ou «fille», c’est toujours la bonne personne qui se retourne.
Ti-Cul : Même pas! (Traduction : C’est même pas vrai!)
Prof Maudit : Tu veux gager un devoir?
(Parenthèse - L’option «gager un devoir» est un des moments privilégiés de mes élèves. Je suis le seul à pouvoir mettre la gageure sur la table. Dans le cas où j’ai raison, l’élève se mérite un devoir supplémentaire. Si j’ai tort, je dois lui donné un congé de devoir. Cette seule idée les fait se jeter sur l’occasion comme un Jean-Marc Fournier sur une allocution niaiseuse. Évidemment, ces moments ne se produisent que lorsque je sais que je vais gagner. MOUHAHAHA!)
Ti-Cul : OK!
Prof Maudit : Parfait, tope. (Il s’exécute.) Au prochain élève que je vois en train de faire une niaiserie, je me retourne et je crie «garçon» ou «fille». Si c’est le bon qui se retourne, je gagne. Si c’est un autre, tu perds.
Ti-Cul : D’acc… Aïe! Aïe! Aïe! (Sont vites pareil!)
Prof Maudit : Ok, ok. Mais t’as compris?
Ti-Cul : Ouep!
Ça n’a pas pris trente secondes qu’un innocent en étouffait un autre dans le banc de neige à une dizaine de mètres. Je me retourne, faisant face au mur, et gueule un «Garçon!» bien senti. Quand je reviens à la situation, non seulement le bon élève s’est redressé, mais il est déjà en route vers moi, se justifiant avec un chapelet d’excuses diverses. Winner : Prof Maudit, as usual. Ti-Cul a fait une fausse moue de mauvais perdant et a choisi une feuille de calculs comme devoir supp’. Je l’ai quand même éclairé sur ce miracle :
- C’est le pouvoir de la culpabilité, garçon!