Comment faire un gros plat d'une miette de pain
Ah! Mes amis! Comme j’en ai long à vous raconter. La rencontre de parents fut truculente d’anecdotes diverses, mon quotidien professoral est accompagné de son lot de paradoxes idiots et les médias me donnent du jus à profusion. Je ne sais plus par où commencer. J’ai l’impression que je devrais mettre en branle un second blog avec l’identité fictive d’un autre enseignant tordu. Toutefois, comme il faut toujours être d’actualité et qu’il faut critiquer la nouvelle une fois sur la tribune publique – et non le lendemain parce que vous êtes déjà out – je vous parlerai donc d’un article paru dans le Journal de Montréal.
Le midi, je lunche à l’extérieur de l’école. Déjà que j’endure ce bâtiment bruyant aux murs peints avec les couleurs en vente chez Sico il y a 20 ans… j’ai bien le droit de m’enfuir une heure, non? Bref, je dîne dans un petit resto pas plus excitant qu’il faut où on ne trouve que le «JdeM». Ça me change du Devoir et ça me permet souvent de comparer les nouvelles ou de tomber sur un article étonnant. Comme aujourd’hui.
Ce qui me sidère toujours de ce journal – je ne le soulignerai que rapidement puisque ce n’est pas le but de ce billet – c’est la façon dont on fait d’un rien, une montagne. En grosses lettres qui m’écorchent l’œil, je lis donc : Interdiction de jouer dehors. À côté, une photographie d'une cour d'école vue au travers d'une clôture. «Ça y est, que je me dis. Y’a un prof qui a pété sa coche! Il a collé le p’tit sacrament à sa chaise avec de la colle Pritt! À moins que ce ne soit Prof Malgré Tout qui a finalement utilisé son duct tape à d'autre fin que de vouloir taire la cloche. » Pantoute. C’est une mère qui s’énerve, journaliste en plus. Rien de mieux pour un discours digne de ceux que j’écris ici!
Bon, d’accord, elle est beaucoup moins acide que moi, Renée Laurin. Elle s’indigne en fait que l’école de sa progéniture refuse que les enfants se présentent dans la cour avant 8h30 parce que les enseignants ne peuvent assumer la surveillance dans la cour le matin (et le midi semble-t-il). Suite à la rencontre de parents de ladite école, ces derniers ont réussi à négocier 10 minutes le matin.
Je suis d’accord avec le fond de son article : on est devenu un peu parano. On s’inquiète de tout, de rien, et beaucoup plus qu’on ne le devrait. On est aussi beaucoup plus agressif quand ça fait pas notre petite affaire. Alors les institutions publiques n’ont d’autres choix que de se protéger contre les recours perfides à l’américaine. D’où les limites malheureusement imposées par le système. Reste que la marmaille moderne a bien changé et de telles mesures ne sont pas toujours superflues. Si des parents laissent aller leurs enfants jouer seuls dans la cour la fin de semaine, la conscience tranquille – comme ma mère l’a si souvent fait quand j’étais moi-même petit morveux – c’est une toute autre histoire quand 500 élèves foulent le bitume au même moment. À l’époque, ça jouait doucement à la marelle et au ballon-chasseur. Maintenant, ça se provoque à qui mieux-mieux, pour un regard de travers, un nouveau foulard plus joli que le sien ou une carte Pokémon ou Magic d’une hypothétique valeur inestimable. J’ai été témoin, comme prof, de conflits d’une rare violence pour des broutilles : des garçons qui se sautent à la gorge ou qui s’éclatent mutuellement la tête sur des murs de brique, des filles qui mordent leur best friend au sang ou qui leur arrachent la boucle d’oreille avec le lobe qui suit… Et je suis à mille lieux d’un milieu défavorisé, alors imaginez! En somme, nos enfants ne font que suivre le mouvement de masse : se scandaliser, crier haut et fort, et appuyé de bons coups de batte, pour des miettes.
Reste que l’affaire me surprend. Légalement, les institutions scolaires doivent assurer la surveillance des élèves au moins 5 minutes (bon, c’est minime, je l’avoue) aux entrées et sorties des classes. Mais rassurez-vous, Renée : certaines commissions scolaires ont imposé, cette année, les récréations en avant-midi et en après-midi. Pas de danger donc qu’une direction sans scrupule gobe du temps sur les périodes de délassement. Et puis consolez-vous, il y a pire. À mon école, on interdit les parents sur la cour. Parce que les maniaques, vous savez…
Le midi, je lunche à l’extérieur de l’école. Déjà que j’endure ce bâtiment bruyant aux murs peints avec les couleurs en vente chez Sico il y a 20 ans… j’ai bien le droit de m’enfuir une heure, non? Bref, je dîne dans un petit resto pas plus excitant qu’il faut où on ne trouve que le «JdeM». Ça me change du Devoir et ça me permet souvent de comparer les nouvelles ou de tomber sur un article étonnant. Comme aujourd’hui.
Ce qui me sidère toujours de ce journal – je ne le soulignerai que rapidement puisque ce n’est pas le but de ce billet – c’est la façon dont on fait d’un rien, une montagne. En grosses lettres qui m’écorchent l’œil, je lis donc : Interdiction de jouer dehors. À côté, une photographie d'une cour d'école vue au travers d'une clôture. «Ça y est, que je me dis. Y’a un prof qui a pété sa coche! Il a collé le p’tit sacrament à sa chaise avec de la colle Pritt! À moins que ce ne soit Prof Malgré Tout qui a finalement utilisé son duct tape à d'autre fin que de vouloir taire la cloche. » Pantoute. C’est une mère qui s’énerve, journaliste en plus. Rien de mieux pour un discours digne de ceux que j’écris ici!
Bon, d’accord, elle est beaucoup moins acide que moi, Renée Laurin. Elle s’indigne en fait que l’école de sa progéniture refuse que les enfants se présentent dans la cour avant 8h30 parce que les enseignants ne peuvent assumer la surveillance dans la cour le matin (et le midi semble-t-il). Suite à la rencontre de parents de ladite école, ces derniers ont réussi à négocier 10 minutes le matin.
Je suis d’accord avec le fond de son article : on est devenu un peu parano. On s’inquiète de tout, de rien, et beaucoup plus qu’on ne le devrait. On est aussi beaucoup plus agressif quand ça fait pas notre petite affaire. Alors les institutions publiques n’ont d’autres choix que de se protéger contre les recours perfides à l’américaine. D’où les limites malheureusement imposées par le système. Reste que la marmaille moderne a bien changé et de telles mesures ne sont pas toujours superflues. Si des parents laissent aller leurs enfants jouer seuls dans la cour la fin de semaine, la conscience tranquille – comme ma mère l’a si souvent fait quand j’étais moi-même petit morveux – c’est une toute autre histoire quand 500 élèves foulent le bitume au même moment. À l’époque, ça jouait doucement à la marelle et au ballon-chasseur. Maintenant, ça se provoque à qui mieux-mieux, pour un regard de travers, un nouveau foulard plus joli que le sien ou une carte Pokémon ou Magic d’une hypothétique valeur inestimable. J’ai été témoin, comme prof, de conflits d’une rare violence pour des broutilles : des garçons qui se sautent à la gorge ou qui s’éclatent mutuellement la tête sur des murs de brique, des filles qui mordent leur best friend au sang ou qui leur arrachent la boucle d’oreille avec le lobe qui suit… Et je suis à mille lieux d’un milieu défavorisé, alors imaginez! En somme, nos enfants ne font que suivre le mouvement de masse : se scandaliser, crier haut et fort, et appuyé de bons coups de batte, pour des miettes.
Reste que l’affaire me surprend. Légalement, les institutions scolaires doivent assurer la surveillance des élèves au moins 5 minutes (bon, c’est minime, je l’avoue) aux entrées et sorties des classes. Mais rassurez-vous, Renée : certaines commissions scolaires ont imposé, cette année, les récréations en avant-midi et en après-midi. Pas de danger donc qu’une direction sans scrupule gobe du temps sur les périodes de délassement. Et puis consolez-vous, il y a pire. À mon école, on interdit les parents sur la cour. Parce que les maniaques, vous savez…
11 Comments:
Bah, de toute façon, dans le merveilleux monde de l'enseignement, personne ne sera jamais content! lol J'enseigne en maternelle et imagine-toi que certains parents trouvent que je ne fais pas assez bouger les enfants... tandis que d'autre considèrent que de la psychomotricité tous les après-midis, c'est trop, quand ils pourraient être sagement assis à réciter leur alphabet! :D
Comment je survis? Je dis oui, oui... mais je fais à ma tête :D Car une fois la porte fermée, je suis seule maîtresse à bord! lol
By Anonyme, at 19.9.06
C'est quoi le problème de ces gens...s'ils veulent que leurs enfants arrivent plutôt à l'école, qu'ils en prennent l'entière responsabilité, pourquoi les profs devraient faire la surveillance avant les heures prévues, parce que soyons francs beaucoup de parents "ship" leurs petits dans la cour d'école parce qu'eux-mêmes doivent quitter pour le travail....je suis maman de 2 filles, et je n'ai jamais pris les professeurs de l'école pour des gardiens d'enfants.
@myo
j'espère que mes enfants ne t'aurons jamais comme professeure, puisque quand je parle à l'un deux, je m'entends de lui à de la franchise et à de l'honnêteté et non à un prof borné qui croit avoir toujours raison et se pense seul maître à bord, je laisse les profs gérer leur classe mais le jour où je vais sentir qu'une de mes filles est brimée par ce prof, croyez-moi je vais monter aux barricades et surtout je ne voudrai pas entendre des oui.oui. mais bien les raisons qui motivent ce prof à prendre telle ou telle décision. Vous savez dans chaque corps de métier, que ce soit avocat ou serveur, il y en a des bons et des mauvais, ne vous croyez pas à l'abri parce que vous avez votre diplôme en main. Sans rancune.
By Anonyme, at 19.9.06
@ anonyme:
Je trouve très dur votre commentaire. Je comprends votre point de vue pour ce qui est des quelques bornées qui existent, mamis je ne crois pas que Myo soit bornée en disant faire à sa tête.
Peut-être est-ce parce que vous ne réalisez pas qu'au nombre de parents qui ne trouvent rien de mieux à faire qu'à "chiâler" contre ce que nous faisons faire aux enfants ou des méthodes utilisées (on s'entend, ici on ne parle pas d'extrêmes du genre tout laisser faire ou bourrage de crâne), on en vient finalement à répondre "Oui oui je prends bonne note de votre suggestion"?
Eh oui, après avoir répété 12 fois aux parents les pourquoi du comment de nos interventions pédagogiques (et ça adonne étrangement que ces mêmes 12 parents n'étaient pas à la réunion de parents du début d'année où on a tout expliqué de long en large), on se tanne, et l'honnêteté se voit coupée de 90% de son essence.
On se tanne parce que OUI, nous sommes les maîtres à bord et OUI nous avons un diplôme, ne vous en déplaise. OUI on aime les suggestions, OUI on aime les commentaires constructifs... mais un moment donné...
C'est qui le prof entre vous et nous? Qui a un plan bien précis en tête pour faire passer les enfants du point A au point Z de leur développement?
Qui a remis ses sacro-saintes planifications en détail et sous-détail sur 12 pages par activité pour chacun de ses salsifis de quatre stages "afin de maîtriser toutes les subtilités du plan de cours sans nécessairement devoir en écrire un de A à Z en cours de carrière" (comptez au moins 4 activités décrites par jour plus les transitions, sur une durée de 30 jours en moyenne pour juger de notre maîtrise de la chose)?
Et qui n'a pas juste "élève probophobique", "élève ultra performant" ou "élève sous-stimulé" à s'occuper, mais doit aussi voir à moduler son enseignement afin de permettre à tous de réussir (maudit Jean-marc, j'ai-tu l'air d'une pieuvre...)?
Je veux bien croire que c'est important l'implication des parents dans une classe, mais ça a ses limites. Et ces limites sont à respecter (à moins évidemment de cas extrêmes). Je n'irai jamais dire à mon agent d'assurances de changer ses modèles d'intervention et ses contrats. Je n'y connais rien, même si ces contrats m'ont déjà fait suer avec leurs clauses.
Irait-on dire à un médecin de nous opérer d'une telle ou d'une telle manière parce que nous préférons avoir une cicatrice fleurie au lieu d'une laide strie rosée? Pourtant... il n'a qu'un diplôme et des stages derrière la cravate. Tout comme nous, pauvres profs. Bon d'accord, il ne faut pas un doctorat pour être prof... Une chance, vous imaginez la réforme mathématique qu'il faudrait dans les salaires! Mais cela ne change pas que nous sommes NOUS aussi des professionnels... et laissez-nous faire notre boulot zut de flûte!!! On n'arrête pas de se plaindre que nous sommes payés chèrement à rien faire, laissez-nous faire ;) (ironie)!!!
Loin de moi de dire que les parents n'y connaissent rien en matière d'éducation, juste que le milieu scolaire est tout de même un autre monde et ce n'est pas l'éducation familiale. Cela veut aussi dire que je n'irai jamais dire à un parent ce qu'il doit faire chez lui, à moins évidemment qu'il y ait un méga gros problème. Mais rendu là, il y aura discussion, et je m'arrangerai bien pour ne pas avoir à le dire et plutôt le faire sortir par la bouche même du parent.
J'attendrai d'être parent pour me dire moi-même quoi faire ;)
By Dobby, at 19.9.06
WOW !
c'est super de te lire et de lire ces commentaires (Bravo Dobby)!
By Anne-Julie, at 19.9.06
Dobby: J'apprécie beaucoup ton commentaire et c'est vrai qu'il est complètement IMPOSSIBLE de satisfaire toutes les petits caprices des parents. Si on commence, ça ne finira plus!!! Il y a des parents champions dans le "dépassage de borne"...
By Ness Eva, at 19.9.06
@dobby
Je comprends parfaitement ton point de vue, tout ce que je voulais faire savoir à myo, c'est de ne pas prendre les parents pour des cons....je suis le genre de maman à m'asseoir à la réunion d'école sans faire d'éclats, par contre je n'ai pas peur de dire mes opinions, alors en tant que maman qui ne dérange pas trop et qui appuie les profs que ce soit dans leurs décisions, leurs règles de vie en classe ou les conséquence face à un mauvais comportement, je ne lui demande que seulement la même compréhension envers moi.
Je suis consciente qu'il doit y avoir des parents qui poussent les profs à bout de nerfs mais l'inverse est aussi vrai.
Mais c'est simplement mon opinion personnelle.
By Anonyme, at 20.9.06
@ un utilisateur anonyme
Je comprends bien ton point de vue et je suis d'accord.
Pourquoi les profs se sentent tellement persécutés et veulent toujours avoir le dernier mot...lol
By Anonyme, at 20.9.06
@ aux deux anonymes:
On veut le dernier mot tout simplemenmt pcq on ne l'a plus ;)
By Dobby, at 21.9.06
Vous savez, de nos jours, le métier d'enseignant a bien changé. Je vois ce que fait les profs qui m'entourent et je ne voudrais pas de leur job pour 5 cents.
Ils doivent jouer aux surveillants, faire la police, être psychologues, infirmiers, concierges, secrétaires, comptables, spécialistes en fabrication de matériel, spécialistes dans toutes les matières. Ils se font chier dessus par leurs boss, par le gouvernement qui leur impose des lois spéciales, par les élèves, par les parents, par la société et ça, c'est quand ce n'est pas aussi par leur propre syndicat.
On les oblige à faire des sorties avec nos enfants (comme s'ils étaient des animateurs de foule ou des gardiens d'enfants), mais, ça ne doit plus dépasser le temps de classe. Résultat, cette année à l'école de mes enfants, pas de bal de finisants... les profs ne peuvent ni se faire libérer, ni se faire payer puisque l'école n'en a pas les moyens. Les profs voudraient bien, mais l'école et la Comission scolaire en a décidé autrement.
Ah oui, ils ont un salaire pas pire. Mais pour un bac de 4 ans, c'est sous-payé. On leur envie leurs 2 mois de vacances... en passant, leurs "vacances" ne sont pas payées. Les profs sont mis "à pied", sans avoir droit au chômage puisqu'un emploi les attend à la rentrée scolaire suivante. On croit que leurs "vacances" sont payées, c'est que leurs employeurs gardent un peu d'argent sur chacune de leurs payes pour leur en remettre en été.
On croit qu'ils ont de bonnes assurances... j'ai appris, à mon grand étonnement, que les assurances, qu'ils payent cher, ne couvre pas les lunettes, ni le dentiste, et pas grand chose des soins de santé. Bien sûr, au moins il en ont.... mais c'est pas le gros char comme on aurait pu s'attendre de la part de personne syndiquées.
Finalement, la plupart des familles d'aujourd'hui ont 1 ou 2 enfants. À la fin de l'été, plusieurs parents ont hâte que l'école recommence afin de se débarasser de leurs rejetons. J'ai ai plein les bras avec 2, imaginez avec 29. 29 enfants qui viennent presque tous avec des mères, des pères, des belles-mères, des beaux-pères, etc. Tout ce beau monde se permet de philosopher et de juger le travail des enseignants. C'est même rendu qu'on ne fait plus confiance au jugement des professionnels de l'éducation pour le classement de nos enfants - imaginez-vous donc que j'ai appris que c'étaient les parents qui décidaient si leur enfant passe ou double - Qu'est-ce que je connais dans ça moi? Qui suis-je pour porter un tel jugement? Qu'on me consulte, daccord, mais je ne devrais pas avoir le mot final.
Faites donc confiance aux profs de vos enfants. Soutenez-les et encouragez-les. Soyez de leur bord. C'est la meilleure chose que vous pourriez faire pour vos enfants.
By Anonyme, at 28.9.06
;) Merci Anonymous 3e du nom!
Voilà!!!
By Dobby, at 29.9.06
Que voulez-vous il n'y en a pas de facile...je parle des jobs, que ce soit profs, policier, pompier, secrétaire jusqu'à serveur....
Je pense que chaque être humain doit faire ce qu'il aime et ça aide pour les côtés plus difficiles du métier, l'amour ou la passion de son métier nous donne la force de continuer.
Mais si notre métier donne comme résultat qu'on doit se justifier, chialer, essayer de faire que son point de vue est le meilleur, qu'on ne peut accepter la critique, nous devrions peut-être changer ce métier
By Anonyme, at 30.9.06
Publier un commentaire
<< Home